Jean Tardieu, Conversation / Pierre Menanteau, Ah que la Terre est belle) La diffĂ©rence en poĂ©sie (Esope, La tortue et le liĂšvre / Jean-Pierre SimĂ©on, La DiffĂ©rence / Robert GĂ©lis, Portrait de l'autre) Paris en poĂ©sie (Jacques PrĂ©vert, La Seine a rencontrĂ© Paris / Jacques Charpentreau, C'est place de la Concorde Ă  Paris / Jacques PrĂ©vert, [Lire la suite] PostĂ© par ThĂšme: la diffĂ©rence Au choix : PoĂšme d’un africain pour son homologue blanc (Anonyme) La diffĂ©rence de Jean-Pierre SimĂ©on RĂ©daction : Anagrammes de Pierre coran + trouver des anagrammes PĂ©riode 4 : Mars – Avril ThĂšme : Le printemps Au choix : Au printemps de ThĂ©ophile Gautier Une graine d’Alain Bosquet JeanDe La CeppĂšde: Sonnets Choisis. Paul de Musset: Charles Gozzi. Paul FĂ©val (Fils): Mariquita. (Mercredi 28 Octobre 2020) SimĂ©on-Guillaume De La Roque: Sonnets, Odes Et Stances. Paul de Musset: Madame De La Guette. Paul FĂ©val (Fils): Cocardasse Et Passepoil. (Mercredi 21 Octobre 2020) AndrĂ© Breton: PoĂ©sie. (1913-1988) abonnezvous Ă  la newsletter de La Grande Ourse ! Rechercher Recherche avancĂ©e. Conseils de lecture; Dossiers; Rencontres; Facebook; Pro; Savoirs; Lettres, Philosophie, Essais littĂ©raires; Essais littĂ©raires; × La littĂ©rature dĂšs l’alphabet. Informations; EAN13 9782070538478 ISBN 47-8 Éditeur Gallimard Jeunesse Date de publication 27/11/2002 Collection Hors Cest par ces mots que Jean-Pierre SimĂ©on, fondateur du Printemps des PoĂštes, Ă©diteur de poĂ©sie et poĂšte lui-mĂȘme a dĂ©cidĂ© d’ouvrir son recueil Politique de la BeautĂ©, paru en 2016. Nous avons voulu rencontrer jBNOZRn. À la Maison de la Presse, l’écrivain, dramaturge, romancier et poĂšte Jean-Pierre SimĂ©on a parlĂ© avec force de sa passion qui l’amĂšne Ă  donner de nombreuses formations et confĂ©rences. © Droits rĂ©servĂ©s La poĂ©sie de Jean-Pierre SimĂ©on est un Ă©ternel printemps. rencontre La Grande Librairie a accueilli le poĂšte Jean-Pierre SimĂ©on. Romancier, dramaturge, Ă©crivain, directeur artistique du Printemps des poĂštes, il a prĂ©sentĂ© ses livres Les yeux ouverts, La poĂ©sie sauvera le monde, Lettre Ă  la femme aimĂ©e au sujet de la mort. PassionnĂ©, il exprime son engouement envers cette poĂ©sie qui le touche tant. DĂšs la premiĂšre question posĂ©e par Claire Demange, prĂ©sidente d'un cercle de poĂštes Ă  Clermont-Ferrand, l'Ă©crivain Ă©voque avec force la poĂ©sie et la mort. Il avoue que la poĂ©sie sauvera le monde si rien ne le sauve ». Il regrette le gĂąchis individuel et collectif. La poĂ©sie incarne un idĂ©al d'existence. J'ai une constante de l'optimisme car on peut tous gagner un peu d'humanitĂ© mĂȘme quand on est au bord de la mort Auschwitz ; on survit Ă  l'inhumanitĂ© ». La poĂ©sie est un perpĂ©tuel printemps
 Jean-Pierre SimĂ©on, agrĂ©gĂ© de Lettres modernes, a Ă©tĂ© formateur d’enseignants. Auteur de nombreux recueils de poĂšmes, de romans, de livres pour la jeunesse et de piĂšces de théùtre, il est actuellement directeur artistique du Printemps des poĂštes. Ci-dessous, synthĂšse de son intervention lors de la Rencontre de l’Atelier de Montluçon en dĂ©cembre a une idĂ©e trĂšs fausse et largement partagĂ©e de ce qu’est la poĂ©sie. Cette idĂ©e est fondĂ©e sur l’expĂ©rience qu’on en a et qui, en gĂ©nĂ©ral, repose sur la rencontre de trĂšs peu de poĂšmes en comparaison de l’immensitĂ© du patrimoine poĂ©tique universel, des milliards de textes. Il y a des poĂšmes depuis toujours, dans toutes les civilisations, il n’y a pas une communautĂ© humaine qui n’ait sa poĂ©sie - L’idĂ©e qu’on s’en fait est donc forcĂ©ment trĂšs restrictive et superficielle. Elle relĂšve en plus d’a priori, de y a deux opinions courantes. La premiĂšre, c’est que la poĂ©sie est cette chose charmante, chantonnante, d’une belle musicalitĂ©, qu’on admire de loin, parfois un peu miĂšvre en regard du monde concret dans lequel on est immergĂ©. Et l’autre reprĂ©sentation, complĂštement Ă  l’opposĂ©, c’est celle d’ un objet bizarre auquel n’auraient accĂšs que quelques initiĂ©s ayant le don de comprendre ces choses qui sortent de l’ordinaire, de la comprĂ©hension humaine. Il faudrait avoir une sorte de talent divinatoire pour lire comme il le faut Maurice SĂšve, MaĂŻakovski, Aragon ou Yves Bonnefoy, par reprĂ©sentations font qu’on ne va pas Ă  la poĂ©sie, qu’elle est hors du social depuis quelques dĂ©cennies en France - ce n’est pas le cas dans toutes les maniĂšre d’habiter le mondeJe ne vais pas m’étendre davantage sur ces dĂ©finitions historiques, socio-culturelles, mais bĂątir sur cette formule de Georges Perros, un trĂšs bon poĂšte de la fin du XXe siĂšcle Le plus beau poĂšme du monde ne sera jamais qu’un pĂąle reflet de ce qu’est la poĂ©sie une maniĂšre d’ĂȘtre, d’habiter, de s’habiter ». C’est capital. Ce que manifestent Rimbaud, de Ritsos, de Whitman
, c’est ce qui apparait dans la prise de parole que l’on appelle poĂšme une position claire, ferme, et complexe en mĂȘme temps devant le monde, devant le rĂ©el et au coeur du rĂ©el. C’est un type de rapport Ă  l’existence, Ă  la communautĂ© humaine, au destin la poĂ©sie non comme un supplĂ©ment d’ñme, mais comme une maniĂšre d’ĂȘtre, d’habiter le monde, comme un positionnement du point de vue humain, c’est la dĂ©finir d’emblĂ©e comme une Ă©thique. C’est lĂ  l’enjeu essentiel dĂ©finir une maniĂšre d’habiter le monde, c’est un projet politique. Hölderlin, le grand poĂšte allemand, l’avait dit dĂ©jĂ  dans une phrase qui porte sur l’orientation que nous donnons Ă  la vie Nous cheminons vers le sens si nous habitons en poĂšte sur la terre. » Or, aujourd’hui, nous faisons l’exact contraire et c’est pour cela que nous allons dans le mur, que nous allons vers une sorte de grand suicide l’avoir et le paraĂźtre Alors que signifie vivre en poĂšte ? C’est l’exact contraire des normes de comportement qu’on nous impose actuellement. LĂ  oĂč la poĂ©sie est subversive, c’est qu’elle propose dans la relation Ă  soi, dans la relation au monde, au rĂ©el le contraire de ce qui se passe aujourd’hui la marchandisation du monde occidental qui se dĂ©veloppe partout avec la mondialisation, le dĂ©ni de l’humain, en raison du primat sur l’humain de superstructures Ă©conomiques, de l’idĂ©ologie tout Ă  fait organisĂ©e et pensĂ©e. Ce qui fait que petit Ă  petit, sans que nous nous en rendions compte, nous sommes vidĂ©s de notre poĂ©tique, c’est l’exact contraire puisque depuis toujours les poĂštes ne cherchent qu’à fonder dans leur parole un surcroĂźt d’humanitĂ©. Nous connaissons la fameuse phrase de JaurĂšs On ne naĂźt pas humain, on le devient ». Vivre en poĂšte sur la terre, c’est simplement se donner pour tĂąche premiĂšre, presqu’exclusive – c’est lĂ  l’engagement absolu du poĂšte - de devenir plus humain et de comprendre les conditions de cet enjeu comment on devient plus qui domine aujourd’hui, c’est l’obsession de l’avoir, la prĂ©dominance de la finance, la volontĂ© de pouvoir qui engendre la compĂ©tition et la compĂ©titivitĂ©, les hĂ©ros, ĂȘtre plus que les autres, c’est-Ă -dire la nĂ©gation de l’autre. Toutes les images, les figures, les idoles qu’on prĂ©sente Ă  nos yeux et nos oreilles comme enviables, Ă  travers les discours sur la sociĂ©tĂ©, nous enjoignent d’ĂȘtre des ĂȘtres de pouvoir, d’ĂȘtre toujours un peu plus que l’autre, un peu plus fort, un peu plus savant, plus expert que l’ profondeur irrĂ©ductible de chaque ĂȘtreC’est ce que rĂ©cuse fondamentalement tout poĂšme, puisque toute poĂ©sie dit d’emblĂ©e la relativitĂ© de tout savoir, tout poĂšme est l’aveu d’un savoir limitĂ©, rien n’est dĂ©finitivement clos dans un savoir. Dans nos sociĂ©tĂ©s, il y a l’avoir, le pouvoir et le paraĂźtre. La valeur de l’ĂȘtre est dĂ©finie par le paraĂźtre, par ce que l’on sait de l’image. Et l’on juge tout un chacun, toute chose, tout Ă©vĂ©nement sur l’image, sur l’apparence premiĂšre. Or, depuis le premier temps du premier poĂšme, l’effort du poĂšte, c’est de dĂ©passer la vue premiĂšre. Donc, dans une sociĂ©tĂ© gouvernĂ©e par la vue de surface, par l’apparence, oĂč nous lisons le monde au faciĂšs, oĂč nous lisons l’autre au faciĂšs, c’est-Ă -dire dans une saisie partielle, rĂ©ductrice, scandaleusement mensongĂšre du rĂ©el, dans ce monde la poĂ©sie incarne le contraire. Car tout poĂšme cherche ce que le rĂ©el ne sert pas d’abord, n’offre pas de lui-mĂȘme. Tout poĂšme cherche Ă  creuser, Ă  faire apparaĂźtre la profondeur irrĂ©ductible, insolvable, illimitĂ©e de chaque ĂȘtre, de chaque chose, de chaque geste, chaque Ă©vĂšnement, chaque pensĂ©e, de chaque sentiment, de chaque phĂ©nomĂšne, comme disent les philosophes. La poĂ©sie donne expansion Ă  la chose minime, banale, triviale, la poĂ©sie revendique le droit d’y voir, d’y rencontrer, d’y explorer une infinie rĂ©alitĂ©, au-delĂ  de l’apparence immĂ©diate, au-delĂ  de la dĂ©finition, de la la peur de l’autre. Étreindre le mondeLe grand mal de notre temps, c’est l’obsession de la sĂ©curitĂ©, de l’assurance, on est dans une grande peur, la peur d’ĂȘtre dĂ©bordĂ© dans ses frontiĂšres. Et tout est fait pour nous infliger cette peur, pour nous la transfuser. Nous avons une peur ontologique, native, premiĂšre, celle de la solitude, de la perte, de l’abandon, de la catastrophe. Le bĂ©bĂ© en fait l’expĂ©rience, au premier jour quand il est laissĂ© seul, hors des bras du pĂšre ou de la mĂšre, dans un lit, dans une piĂšce. Nous naissons avec l’appĂ©tit, comme l’enfant, de tout voir, les yeux grands ouverts, la volontĂ© terriblement passionnĂ©e d’étreindre le monde, et en mĂȘme temps avec cette peur premiĂšre de la perte, de la solitude. Et il est trĂšs commode de l’exploiter, de fonder sur elle des rapports collectifs celui qui a peur est facilement asservi, par la peur elle-mĂȘme, mais asservi aussi aux discours qui prĂ©tendaient le protĂ©ger du monde. Ce sont tous les discours sĂ©curitaires. Et nous avons tous en nous une demande sĂ©curitaire, la volontĂ© d’ĂȘtre protĂ©gĂ©s du compliquĂ©, du trouble, de l’inconnu. Nous avons trĂšs profondĂ©ment cette peur en nous, en mĂȘme temps que nous avons le dĂ©sir du dĂ©passement, le dĂ©sir de l’autre, de la nuit, de ce qui grands processus d’asservissement se jouent Ă  partir de cette rĂ©flexion sur la peur individuelle et comment l’ exploiter. Dans les sociĂ©tĂ©s modernes, aujourd’hui, mais aussi dans les dĂ©cennies ou les siĂšcles prĂ©cĂ©dents. Cette peur premiĂšre est organisĂ©e dans toute sociĂ©tĂ© parce qu’elle permet un pouvoir, la main mise sur les consciences, et elle a pour consĂ©quence qu’on se protĂšge symboliquement par ce que j’ai appelĂ© les dĂ©finitions, les catĂ©gorisations, tout ce qui immobilise, et par le souci de l’identitĂ© stable, de l’identification. On est aujourd’hui dans une nĂ©vrose extrĂȘme de l’identitaire. Tout doit ĂȘtre associĂ© Ă  une dĂ©finition, or "dĂ©finition" veut dire exactement "limitation" le mot vient du latin fines qui veut dire frontiĂšre. Si on vous dĂ©finit, on vous ferme, on vous finit, on met un contour autour de vous. Or, aujourd’hui, tout est fait pour que nous nous contentions de nos contours, nous et tout objet, toute chose. On peut trĂšs facilement dĂ©finir une chose sur la premiĂšre vue, sur la premiĂšre conscience n’explore que dans le temps et l’attentionDe plus, nous vivons Ă  une Ă©poque oĂč le temps a disparu, nous sommes gouvernĂ©s par l’accĂ©lĂ©ration majeure du temps – avec l’Internet, le TGV, par exemple. Or, pour aller au-delĂ  de la surface et de la dĂ©finition rapide de chaque chose et de chaque ĂȘtre, de la dĂ©finition immĂ©diate, consensuelle, conventionnelle, conforme - le thĂ©orĂšme des trois "con" -, il faut obligatoirement du temps. Mais le monde de la marchandisation, le monde capitaliste, fondĂ© sur le principe d’économie, a depuis le XIXe siĂšcle thĂ©orisĂ© cette abolition du temps, ce vol du temps. Le temps est la condition indispensable Ă  "la traversĂ©e au-delĂ  de l’apparence", c’est-Ă -dire l’ouverture scrutative de la conscience. Car il n’y a de conscience qui explore, qui interroge, qui ne se contente pas de la premiĂšre rĂ©ponse donnĂ©e par le faciĂšs et qui dĂ©veloppe sa question que dans le temps, que dans ce qu’on appelle trĂšs profondĂ©ment l’attention. Or cette qualitĂ© humaine premiĂšre, qui fonde l’humain et dont tout le monde a le partage, est aujourd’hui la plus ravagĂ©e l’ attention radicale qui engage tout l’ĂȘtre, qui est sans concession, c’est celle de Van Gogh devant le paysage, de Giacometti devant sa matiĂšre, de toute personne qui prend le temps de l’arrĂȘt et de l’immobilisation de soi, qui rompt la course Ă©ternelle du geste quotidien, de ce continuum, pour y créér une brĂšche. Et cette brĂšche, c’est un appel Ă  aller Ă  la profondeur, qui suppose un effort, pour que se mobilise Ă  l’extrĂȘme la combat majeur le langageTout ce que l’on peut dĂ©crire des instruments d’oppression individuelle et collective se joue essentiellement dans le langage. Il y a lĂ  un combat politique majeur. Or les premiers a avoir eu la conscience de l’oppression possible dans le langage, ce sont les poĂštes. La premiĂšre raison de la poĂ©sie, c’est de se rebeller devant l’extrĂȘme danger du langage Ă  enfermer, Ă  asservir, Ă  subordonner, Ă  se faire l’instrument de la rĂ©duction du monde, du connu, du vĂ©cu Ă  sa surface Ă©mergĂ©e, ce qui donne un totalitarisme la poĂ©sie permet de comprendre cela. Georges Bataille disait Nous n’aurions plus rien d’humain, si le langage en nous devenait tout Ă  fait servile ». Odysseus Elytis, magnifique poĂšte grec, prix Nobel de littĂ©rature, postĂ©rieur Ă  Yannis Ritsos, le formule autrement LĂ  oĂč la montagne dĂ©passe du mot qui la dĂ©signe se trouve un poĂšte. » LĂ  oĂč le monde dĂ©passe les mots qui le dĂ©signent se trouve la poĂ©sie. La poĂ©sie sert Ă  nommer, Ă  rĂ©vĂ©ler, Ă  faire agir, Ă  rendre prĂ©sent Ă  la conscience, Ă  faire apparaitre le monde dans tout ce que le langage ordinaire, normĂ© langage, Ă  sa naissance, porte, comme tout ce qui est humain, deux choses en mĂȘme temps, son affirmation et son contraire. Imaginons l’homme qui fonde le langage, cet acte gĂ©nial fondateur del’HumanitĂ©. Pour simplifier, il y a au dĂ©part articulation de quelques sons arbitraires, qui vont ĂȘtre isolĂ©s et attachĂ©s Ă  l’objet, Ă  une chose un murmure, un borborygme qui va ĂȘtre reconnu, identifiĂ© Ă  la pierre, au rocher, au bĂąton. Pourquoi cela fonde l’humain ? Parce qu’est inventĂ© plus que le mot la symbolisation. Ce que je dis n’est pas l’objet, mais le reprĂ©sente. C’est de cela que se dĂ©duit ce qui nous fait tous, la mĂ©moire. Ce n’est que parce que je peux nommer l’absent que la mĂ©moire apparait. Et ce n’est que parce que je peux dire l’absent, que je peux dire le passĂ©, le futur. Avant cela, on est "le nez dans la terre", dans une relation animale, rude, sans distance, sans recul, donc sans espoir d’analyse et de comprĂ©hension au-delĂ  de la vue et de la sensation premiĂšres. En inventant la symbolisation, l’homme invente la mĂ©moire, l’humain, l’histoire, le passĂ© et l’avenir. Et en inventant l’avenir, il invente le projet, une pensĂ©e qui se dĂ©place vers l’avant. Mais avec ce langage, il invente aussi la possibilitĂ© de la prĂ©servation de l’espĂšce, parce que cela lui permet l’échange individuel et collectif, de s’entendre, de parler ensemble, et donc une entente commune sur le langage premier nĂ©cessaire... et rĂ©ducteurMais pour que ce langage soit efficace, il est une condition absolue, nĂ©cessaire... et catastrophique. C’est qu’il soit univoque, qu’il n’y ait pas de malentendu. Le principe de ce langage premier, fondateur du collectif, est d’ĂȘtre rĂ©ducteur je parle, je suis compris. Cela permet aujourd’hui encore Ă  chacun d’entre nous d’agir, de prendre le train, de dire "ferme la fenĂȘtre, la porte", etc., c’est-Ă -dire l’exacte nĂ©cessitĂ© quotidienne qu’on appelle le pragmatisme, l’organisation de notre champ de vie le principe de cette langue commune, rĂ©duite Ă  des sens limitĂ©s, est aussi dĂ©lĂ©tĂšre, mortifĂšre. Parce que le mot qui est un concept, une reprĂ©sentation abstraite d’une chose concrĂšte, du vĂ©cu tangible, ce mot perd la profondeur de l’expĂ©rience, l’épaisseur de la vie, la saveur, le parfum, le touchĂ©, la mĂ©moire, l’affect, tout ce qu’il a traversĂ©, tout ce qu’il porte en lui d’histoire humaine. Si je dis le mot "arbre", nous nous comprenons, mais le mot arbre perd tout ce que nous avons vĂ©cu, chacun, des arbres ; car chacun d’entre nous est riche de milliers d’arbres, ceux que nous avons vus, des cabanes construites, de la branche sur laquelle nous nous sommes appuyĂ©s, l’arbre taillĂ©, le tronc sur lequel on pose son Ă©paule. Cette infinie expĂ©rience de l’arbre est l’épaisseur du rĂ©el, sa profondeur, elle dĂ©borde du mot Ă  chaque instant, l’homme fait de toute chose une infinie rĂ©alitĂ©, une rĂ©alitĂ© indĂ©finie, illimitĂ©e. Autant on a besoin des mots, autant les mots perdent l’infinie profondeur de la rĂ©alitĂ© ce que nous vivons, ce que nous pensons, ce que nous ont lĂ©guĂ© nos parents, nos grands-parents, ce que l’enfant nous a rĂ©vĂ©lĂ©, ce sont les sens agis par l’homme, ceux de notre vie, de notre libertĂ© de faire de chaque chose le contraire de ce qu’elle est ou l’indĂ©fini, l’imprĂ©vu de ce qu’elle est. Et ça, c’est la poĂ©sie. C’est la poĂ©sie qui dit la part de l’arbre manquante, la rĂ©alitĂ© manquante, la part manquante de la langue. C’est pour cela que depuis toujours, depuis l’aube des temps, s’est levĂ© un poĂšte. Le langage a Ă©tĂ© constituĂ©, organisĂ© et il a organisĂ© le rĂ©el comme on le vit aujourd’hui encore dans la nĂ©cessitĂ© immĂ©diate, univoque – qui est aussi nĂ©cessaire. Mais cela "vole le rĂ©el". Ce sentiment profond d’ĂȘtre frustrĂ© de la vĂ©ritĂ© du rĂ©el, nous l’éprouvons tous les jours, nous le verbalisons, dĂšs l’enfance. Ainsi, sollicitĂ©s pour formuler notre Ă©tat d’ñme, notre pensĂ©e, nous sommes souvent dans l’impossibilitĂ© de le faire, "nous n’avons pas les mots pour le dire". Parce que le langage ordinaire n’a comme destination et possibilitĂ© que de dire "le sens minimum intergĂ©nĂ©rationnel garanti".Bien sĂ»r le langage premier univoque doit ĂȘtre transmis parce qu’il permet l’intĂ©gration sociale, mais il faudrait que dĂšs le berceau, dĂšs l’enfance, l’antidote soit aussi donnĂ©, le langage impossible qui, au lieu d’ĂȘtre monosĂ©mique - un mot un sens-, est un langage inverse, qui tient parole, qui parle, qui ne se contente pas de l’énoncĂ©, qui porte en lui la chair et le sang de l’humain c’est la diffĂ©rence entre l’énoncĂ© et la poĂ©sie, dĂ©flagration du langage, nous sauve de la normeUn langage investi de toute une expĂ©rience de vie, et pas seulement de la sienne, subjectivement, de celle de toutes les rencontres, et y compris d’expĂ©riences contradictoires Ă  la sienne, c’est un langage neuf. C’est celui que le poĂšte invente par des actes iconoclastes, asociaux, libertaires il va consciemment, volontairement toucher aux normes du langage, dans toutes ses composantes D’abord le poĂšte rompt le rythme qui fonde le langage premier, il rompt le code du signal, cette carte des correspondances mot-sens, qui est un asservissement, une subordination du mot au sens prĂ©vu, organisĂ©, lĂ©gitimĂ©. Mais qui lĂ©gitime le sens d’un mot ? Si l’on peut Ă  la rigueur pour un objet, une chose Ă©tablir une correspondance, qui, pour une rĂ©alitĂ© de l’ordre de l’humain, par exemple ce qui relĂšve du sentiment, de la pensĂ©e, qui dĂ©cide du sens ? Il faut penser la constitution idĂ©ologique du lexique. Le poĂšte touche au lexique, Ă  la syntaxe, Ă  la composante sonore c’est une dĂ©flagration du langage. Le poĂšte choisit une anormalitĂ© consciente. Pourquoi ? Parce que cela nous sauve de la norme, parce que toute normalisation est oppressive, rĂ©duit le rĂ©el Ă  la catĂ©gorie, Ă  la dĂ©duction, Ă  l’injonction, Ă  la dĂ©finition, Ă  l’ poĂšte, en crĂ©ant une langue qui n’est plus monosĂ©mique mais devient polysĂ©mique, invente un objet bizarre, un langage qui n’a pas de comprĂ©hension immĂ©diate. Ce qui nous embĂȘte bien aujourd’hui, gouvernĂ©s que nous sommes par Wall Street et autres, parce que cela veut dire du temps, une latence entre la chose prononcĂ©e et la chose comprise. Le langage ordinaire, celui du discours politique, du Journal de 20h, est compris trĂšs vite, immĂ©diatement, et on doit comprendre trĂšs vite sinon on est "dĂ©valorisĂ©" dans ses capacitĂ©s intellectuelles. Le poĂšme, lui, rĂ©clame de ne pas ĂȘtre compris, de ne jamais ĂȘtre complĂštement compris. Le propre de la poĂ©sie, c’est de dire aussi ce qui n’est pas limitĂ© dans la comprĂ©hension, dans la saisie qu’on en a. C’est justement lĂ  que la parole est l’exacte vĂ©ritĂ©, parce que rien de ce qui fonde notre existence n’est dĂ©finissable, rien n’est dĂ©finitivement compris. Parce que si c’était le cas, nous n’aurions plus d’avenir. Et c’est bien ce que l’on veut nous faire croire aujourd’hui, c’est ce que le langage dominant veut nous faire croire, nous enjoint de croire. Le langage dominant est un implant permanent, qui diffuse Ă  tout instant, tous les jours, par tous les moyens, comme jamais dans l’histoire de l’HumanitĂ©, ce qu’il faut comprendre du rĂ©el, ce qui est nĂ©cessaire d’en comprendre, codifiĂ©, lĂ©gitimĂ© nous n’avons Ă  comprendre que parole libre libĂšre les reprĂ©sentations du mondeDepuis toujours, dans toutes les communautĂ©s humaines, il y a des gens qui ont inventĂ© un langage impossible, atypique, qui Ă©chappe Ă  toutes les injonctions pour dire le rĂ©el, parce qu’il a cette volontĂ© d’équivoque du sens, il conditionne une parole libre devant le rĂ©el. En poĂ©sie, on peut tout dire, je peux dire la neige est rouge et chaude, alors qu’on apprend tous qu’elle blanche et froide. Mais la rĂ©alitĂ© de la neige, c’est qu’elle est de toutes les couleurs du monde, c’est la rĂ©alitĂ© de la poĂšte est le garant tout au long de l’histoire humaine d’une libertĂ© insolvable, irrĂ©ductible dans la langue... peu importe le lĂ©gislateur de la langue, les grammairiens qui existent depuis longtemps. Je me permets de faire ce que je veux avec les mots, avec les rythmes. Et cette libĂ©ration de la langue a des consĂ©quences cruciales. Car sans les poĂštes, la pente fatale de la normalisation, la rĂšgle des trois cons - conventionnel, consensuel, conforme - aurait dominĂ© sans conteste. Je rappelle la phrase de Georges Bataille Ă©noncĂ©e au dĂ©but Nous n’aurions plus rien d’humain si le langage en nous devenait tout Ă  fait servile ». Or, aujourd’hui, le langage est servile et, asservis Ă  un langage servile, nous perdons ipso facto notre humanité  car ce qui fonde l’humain, c’est la capacitĂ© Ă  subvertir le langage, Ă  le libĂ©rer, parce que libĂ©rant le langage, il libĂšre les reprĂ©sentations du a toujours existĂ© Ă  cĂŽtĂ© du langage normatif, imposĂ©, plusieurs langages, de mĂ©tiers, d’argot des rues, des langages de rĂ©bellion intuitive, implicite, populaire le principe de la poĂ©sie est dans le peuple. C’est ce qu’affirme le livre magnifique d’Eluard, PoĂ©sie involontaire et poĂ©sie intentionnelle, Ă©crit pendant la guerre, ce qui fait sens. Dans toutes les grandes dictatures, dĂšs l’AntiquitĂ© jusqu’à aujourd’hui, quand il y a un rĂ©gime oppressif, ce sont les poĂštes qu’on met d’abord en prison ou qu’on assassine Pinochet au Chili avec Neruda et Victor Jara, Franco avec Lorca, ces hommes qui dĂ©gagent pour nous une autre comprĂ©hension du monde. Et s’il y a une autre reprĂ©sentation du monde, alors d’autres mondes sont que la poĂ©sie sauvera le monde » veut dire vivre dans une alerte permanente, dans une attention qui ne cesse jamais, ĂȘtre comme ces grands crĂ©ateurs qui ont la volontĂ© absolue de saisie de la vie, de toutes ses composantes, c’est-Ă -dire sans repos, sans relĂąchement, sans jamais trahir la vĂ©ritĂ© contradictoire, d’une complexitĂ© illimitĂ©e de la vie. Ëtre artiste jusqu’au bout des ongles. Ceci vaut pour le danseur, l’homme ou la femme de théùtre, le plasticien, etc., une sorte d’engagement trĂšs profond qui ne tiendra jamais le rĂ©el pour nous avons besoin non pas d’une petite clause de conscience, nous avons besoin de l’art, le moins rĂ©cupĂ©rable, le plus radical et qui touche Ă  l’instrument d’asservissement le plus violent et le plus partagĂ© de la langue, au coeur de notre pensĂ©e. Si on ne pense pas le monde avec les caractĂ©ristiques culturelles intransigeantes Ă©voquĂ©es, celles qui incarnent la poĂ©sie du jour, la rebellion devant l’univocitĂ© du sens, la volontĂ© illimitĂ©e de rĂ©cuser l’identitĂ© en tout, l’identitĂ© fermĂ©e, si nous ne prenons pas cela comme point d’appui pour penser une sociĂ©tĂ© viable, toutes les autres fatalitĂ©s Ă©conomiques, idĂ©ologiques, sociales, religieuses, vont nous ramener Ă  des seul point d’appui universel, c’est la poĂ©sie – c’est pour cela que cela nous intĂ©resse parce qu’elle nous rend co-humain – point d’appui irrĂ©ductible de la libertĂ© humaine. Et c’est en mĂȘme temps une exigence. Le grand schĂ©ma dominant, c’est l’immobilisation de tout, des comportements dans des modĂšles, dans des prĂȘts Ă  porter, des prĂȘts Ă  penser rĂ©ducteurs. Nous sommes dans un monde identitaire qui veut fixer la vie, qui la tue. Or il n’y a de vie que dans le mouvement et il n’y a de pensĂ©e et de pensĂ©e de la vie que dans le et synthĂšse MichĂšle KiintzLa vidĂ©o et l’enregistrement sont disponibles ici. Url de Cerises n°312 , 27 janvier 2017 " Seules des mains vraies Ă©crivent de vrais poĂšmes. Je ne vois pas de diffĂ©rence de principe entre une poignĂ©e de main et un poĂšme ". Paul Celan,... Lire la suite 13,00 € Neuf ExpĂ©diĂ© sous 3 Ă  6 jours LivrĂ© chez vous entre le 1 septembre et le 6 septembre " Seules des mains vraies Ă©crivent de vrais poĂšmes. Je ne vois pas de diffĂ©rence de principe entre une poignĂ©e de main et un poĂšme ". Paul Celan, lettre Ă  Hans Bender. Cette formule de Paul Celan, que Jean-Pierre SimĂ©on aime citer, caractĂ©rise aussi bien sa posture d'Ă©crivain que son rapport au monde. PoĂšte de la fraternitĂ© et de la main tendue, il l'est assurĂ©ment. Ses recueils, autant que ses romans ou ses textes dramatiques, rĂ©vĂšlent un auteur qui fait de la littĂ©rature le lieu de toutes les rencontres, de tous les partages, de toutes les expĂ©riences de vie. Une fraternitĂ© qui est Ă©galement au coeur de sa dĂ©marche d'homme, celle d'un optimiste tragique qui fait du rapport humain un rempart contre l'angoisse de vivre - et de mourir. Date de parution 01/10/2008 Editeur ISBN 978-2-84562-138-1 EAN 9782845621381 PrĂ©sentation BrochĂ© Nb. de pages 144 pages Poids Kg Dimensions 14,0 cm × 20,0 cm × 1,0 cm Un rĂ©citde ChloĂ© LandriotPrĂ©face de Jean-Pierre SimĂ©onCoĂ©dition DĂ©charge et Gros Textes, 48 p., 6 €Paradoxe ChloĂ© Landriot est une jeune femme de 36 ans qui cĂ©lĂšbre les temps anciens. Son petit livre s’impose par sa diffĂ©rence dans le champ des parutions actuelles intitulĂ© sobrement Un rĂ©cit, c’est une genĂšse du monde, qui renoue avec la fantaisie et le mystĂšre d’un poĂšme est portĂ© par le souffle, le chant rythmĂ© par la longueur des vers et les jeux sur les commence bien dans les noces de l’eau et de la lumiĂšre jaillissent la terre, les plantes et les bĂȘtes, et puis les hommes et le verbe. Le poĂšte cĂ©lĂšbre alors l’harmonie heureuse et les mĂ©tamorphoses du vivant. Nous avons Ă©tĂ© des arbres/Sans effort nos racines/Ont lentement plongĂ© dans le sol/Faites pour Ă©pouser la terre. »Mais vient le rĂšgne de la rationalitĂ© et de ses excĂšs le langage devient instrument de classification. Le monde n’est plus qu’un catalogue » Ă  la merci de l’homme, qui le dĂ©coupe jusqu’à le tuer. Le texte est alors interrompu par le dessin d’une vague dĂ©chaĂźnĂ©e, de l’artiste An SĂ©. Puis ce monde mort, et bien mort, renaĂźt de nouveau Ă  la lumiĂšre. ChloĂ© Landriot explique J’ai peur. J’ai peur pour la planĂšte, pour la Terre, pour mes deux jeunes enfants. Mais c’est parce que je crois Ă  la destruction probable du monde que je m’efforce d’ĂȘtre heureuse. Et la poĂ©sie rĂ©vĂšle l’intensitĂ© de mon sentiment d’ĂȘtre en vie. » La revue DĂ©charge, qui, depuis sa crĂ©ation en 1981, a publiĂ© plus de 1 500 poĂštes d’aujourd’hui, invite les nouveaux talents Ă  publier des recueils chez un Ă©diteur partenaire, Gros livrets fabriquĂ©s artisanalement sont vendus Ă  un prix modique. 23 avril 2012 1 23 /04 /avril /2012 1905 Jean Pierre SimĂ©on est nĂ© Ă  Paris le 6 Mars 1950. Il est l’auteur de cinq romans, de livres pour la jeunesse, de huit piĂšces de théùtre et de recueils de poĂ©sie. Il est l'auteur du livre La nuit respire qui est un recueil poĂ©tique. L'image qui illustre la premiĂšre de couverture est sombre, inquiĂ©tante, la couleur bleue est dominante mais il y a aussi u n peu peu de beige. L'image nous aide Ă  comprendre le titre La Nuit respire car le bleu reprĂ©sente la nuit et le beige les nuages, l’air, la respiration. Martine Mellinette est l'illustratrice, elle a utilisĂ© la technique du collage. Dans des poĂšmes de ce livre nous avons ressenti des Ă©motions et perçu des sensations La couleur Les couleurs de l'invisible » La nuit La nuit respire » Le silence Apprenti du silence » Voici quelques exemples de poĂšmes de ce recueil Les Couleurs de l’invisible Je vous dirai la couleurdes choses invisiblesla couleur qu'on entendla couleur qu'on respireLa guirlande bleue du violonet la pourpre des guitaresle vert profond du ventdans le soiret l'or fragiled'une caresseJe vous dirai la voix perduedans l'indigo des solitudeset le calme orangĂ©prĂšs des yeux doux qu'on aimeJe vous dirai l'arc-en-cielqui naĂźt en vousde la patience et de l'oublide la dĂ©faite du silenceet du geste rĂ©conciliĂ©car comme vous j'aime et je visdans l'arc-en-ciel de mes songes. La nuit respire La nuit respire Qui va qui vient Qui rĂŽde et nous regarde Dans les failles de la nuit ? Le vent traque un loup d'ombre Sur les murs Des oiseaux frĂŽleurs Ferment leurs ailes froides Sur la lune La ville s'Ă©gare Dans ses futaies de pierre La nuit respire Et nous dormons tranquilles Les yeux dans l'aube PubliĂ© par Lucie, Doriane, Mathis et Dylan, 5D - dans S

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